Édouard Vuillard, Le Corsage rayé, 1895, huile sur toile, Washington, National Gallery of Arts.
Les Nabis forment un groupe d'artistes postimpressionnistes et d'avant-garde, né en marge de la peinture académique dont ils contestent le système hiérarchique[1]. Ce groupe évolue à Paris entre 1888 et 1900. Ensemble, ils contribuent à créer un art nouveau, antinaturaliste et décoratif[2].
Les Nabis, bien qu'ils traitent de thèmes communs tels que la vie quotidienne, l'intimité, les loisirs ou la spiritualité, ne partagent pas un style homogène. Le groupe est marqué par des personnalités plurielles qui s'épanouissent de façon individuelle au cours du XXe siècle[3].
D'abord peintres, leur volonté d'abolir la frontière entre les beaux-arts et les arts appliqués les conduit à traiter également les arts décoratifs et l'estampe.
Paul Sérusier, Portrait de Paul Ranson en tenue nabique, 1890, Paris, musée d'Orsay.
Nabi est le nom que se sont donné les jeunes peintres qui se regroupent autour de Paul Sérusier, vers 1888. Le terme nabi, en arabe, ou nevi'im, נביאים en hébreu, signifie dans un sens actif « orateur » ou « annonciateur », ou, dans un sens passif, « celui qui est ravi dans une extase » ou « appelé par l'esprit ». En Occident, nabi a été traduit par « prophète », « illuminé », ou encore « celui qui reçoit les paroles de l'au-delà », « l'inspiré de Dieu ».
L'appellation « nabi » n'a jamais été publique ni revendiquée lors des expositions de ces artistes à l'époque. Son usage courant dans l'historiographie ne date que des années d'après la Seconde Guerre mondiale et ne connaît une plus grande diffusion qu'à partir des années 1980. En effet, au XIXe siècle, le terme est utilisé entre eux par les peintres, non sans une certaine distance, voire avec humour, et il ne recouvre pas non plus une spiritualité réelle ou commune, ni une véritable société rituelle. Ainsi le Portrait de Paul Ranson en tenue nabique par Sérusier (Paris, musée d'Orsay), est-il purement fantaisiste.
Paul Sérusier, Le Talisman, Paysage au Bois d'Amour, 1888, huile sur bois, musée d'Orsay, Paris.
Ce cercle naît d'une controverse autour d'une peinture de Paul Sérusier, Le Talisman, l'Aven au Bois d'Amour, réalisée sous la direction de Paul Gauguin, rencontré en Bretagne à Pont-Aven, durant l'été 1888. Gauguin encourage Sérusier à se débarrasser de la contrainte imitative de la peinture, à user de couleurs pures et vives, à ne pas hésiter à exagérer ses visions, et à donner à ses peintures sa propre logique décorative[4] et symbolique.
Paul Sérusier : « le nabi à la barbe rutilante », ou « le bon nabi », ou encore « nabi boutou coat » (le nabi aux sabots de bois en breton) ;
Pierre Bonnard, Femme au parapluie, 1895, lithographie, Paris, BnF, département des Estampes et de la photographie.Pierre Bonnard : « le nabi très japonard[9] » ;
Paul-Élie Ranson : « le nabi plus japonard que le nabi japonard » ;
En réaction à l'impressionnisme, au naturalisme, les nabis veulent libérer leur peinture des exigences du réalisme, comme Henri-Gabriel Ibels a pu l'écrire : « Ensemble, nous avons méprisé l'école et les écoles, les rapins, leurs traditions, leurs farces et leurs bals inutilement nudistes. Ensemble nous nous sommes sérieusement amusés ».
Détachés ou non du christianisme, les artistes nabis cherchent des voies plus spirituelles au contact de philosophies et de doctrines nouvelles teintées d'Orient, d'orphisme, d'ésotérisme et de théosophie[11]. Ils s'appliquent à retrouver le caractère « sacré » de la peinture et à provoquer un nouvel élan spirituel au moyen de l'art[12].
Paul Sérusier, Femmes à la source, 1899, Paris, musée d'Orsay.
L'art des nabis qui continue celui de l'école de Pont-Aven, de Gauguin, de Van Gogh, de Cézanne, et d'Odilon Redon, s'imprègne, comme les œuvres des musiciens de leur époque, Satie et Debussy, d'orientalisme et de japonisme, notamment au travers des ukiyo-e parus dans la revue Le Japon artistique. Vuillard a possédé une importante collection d'objets japonais[13]. Ils se sont nourris des textes de sagesse orientale et des ouvrages ésotériques et « occultisants », fort en vogue à l'époque.
↑Édouard Vuillard : « Notre mérite, si toutefois il y a mérite, consiste peut-être en ceci que nous avons accepté les expressions les plus hétérogènes quand elles étaient sincères. ».
Céline Julhiet (dir.), Nabis 1888-1900, catalogue de l'exposition du Grand Palais, Munich/Paris, Prestel-Verlag/Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1993, 512 p..